Releases de Novembre 2023
- mana
- 7 déc. 2023
- 4 min de lecture
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'Fountains' de Inès Cherifi
Inès Cherifi nous emporte dans un monde parallèle, aqueux et rocheux. Voix et violon, son instrument emblématique, dansent dans les réverbérations. Parfois, les deux s’accordent pour ne former qu’une élocution mutante, pour accentuer le côté irréel de l’œuvre. L’artiste joue avec nos sens : constamment aux aguets de ces transformations et unions, nous sommes immergés dans l’écoute.
Les accords orchestraux reflétant la désolation et la langueur sont réguliers dans ‘Fountains’, sorti sur FAERIES RECORDS. La musicienne présente ses vulnérabilités au fil des titres, tout en menant doucement vers une détonante viscéralité qui détourne des aprioris liés au violon. L’instrument permet de renforcer la puissance des émotions de langueur qui se lient souvent à l’incompréhension et le doute. Les boucles d’accords, quant à elles, nous hypnotisent dans un état qui permet de nous rapprocher de la protagoniste émue, et de faire l’empathie de sa douleur.
Mots : Adé.
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'The Blue Hour' de Somewhere Press
Pour ‘The Blue Hour‘, le label écossais Somewhere Press réunit une dizaine d’artistes autour de ce moment fugace de nuit bleue où le crépuscule encre le ciel en mourant.
Françoise Hardy chantait que l'heure bleue met « comme un voile de rêve devant les yeux ». Et devant les autres sens. C’est en cet entre-deux d’enchantement évanescent que le parfum des fleurs gagne en intensité, que le chant des oiseaux s’agite. Les dix morceaux de la compilation s’emparent de ces signes en déployant autour de pads gracieux des sons de la nature ou des voix flottantes ou tourbillonnantes, parfois insaisissables. Les formes sonores atmosphériques et incertaines évoquent le découpage du ciel bleu profond par les contours des arbres et des bâtiments, quand leurs silhouettes se parent d’une obscurité insondable qui laisse la place à toute projection. Dans le magnifique final slow-motion "Call", le chant cotonneux et réflexif de Man Rei précède un doux souffle de synthés qui accompagne les sons du crépuscule en train de renoncer face à la nouvelle nuit.
Mots : Antoine.
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'Searchlight Moonbeam' de Efficient Space
Le duo Time is Away confectionne la compilation ‘Searchlight Moonbeam‘ pour le label Efficient Space. Cela fait désormais dix ans qu’Elaine Tiernay et Jack Rollo tissent des collages musicaux narratifs pour NTS. Cette fois-ci, le charme et la sincérité de leur pratique trouve refuge sur Efficient Space, sans surprise quand on considère le remarquable travail d’archives du catalogue du label australien (Steve Hiett, Belver Yin… ou bien la très belle compilation ‘Sky Girl‘).
Time is Away assemble une collection de raretés d’horizons très différents (ici, pas de cohérence géographique, temporelle, ou de scène) mais qui trouvent dans leur juxtaposition un mystérieux langage commun. Le duo met en avant des ambiances et des sensations parentes, révélant ainsi par leurs échos un tout à la fois très intime et aspirant à quelque chose d’universel. Le très bel artwork réalisé par Penny Davenport capture avec justesse ce dont la compilation est le réceptacle : un territoire d’innocence, de quiétude, d’empathie, mais rempli d’étrangetés, comme l’insouciance déformée que l’on cherche à extraire d’anciens souvenirs. L’ensemble agit comme une mosaïque de mondes qui une fois assemblés en forment un nouveau, plus doux.
Mots : Antoine.
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'm•emo•topia' de Le Frit
Dans 'm-emo-topia', Yann Le Frit cartographie ses émotions. Il invente même un terme “memotape” qui assemble “biotape”, un lieu où les conditions environnementales sont similaires, et “mémoire”. Une manière amusante et ingénieuse d’initier ce projet qui s’inspire de flore, de faune et d’éléments naturels. Chacune de ces tracks a son propre écosystème : bois, bulles d’eau, lotus, crabes et stalactites sont mis à l’honneur à travers ses inspirations de jeux vidéo, baile funk, ou encore musique concrète.
Pour Human Pitch, il explore ces univers palpables en puisant dans son imaginaire et détournant leur représentation. Comme un événement synesthésique.
Mots : Adé.
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'Nosta' de Leon Evangelion & Virgile
Léon Evangelion et Virgile dévoilent ‘Nosta‘, un recueil de sept berceuses folk troubles paru sur High Heal.
La devise du joli label fondé par Fetva est « gathering of soulmates to heal through music », et cet album collaboratif l’embrasse parfaitement. ‘Nosta‘ pour nostalgie, peut-on paisiblement affirmer tant les morceaux sont vecteurs d’un doux sentiment de tristesse sereine.
Une voix envoûtante navigue sur les arpèges embués d’une guitare acoustique, déployant incertitudes et regrets. L’introspection des paroles y est suspendue par des invocations, par des appels à l’autre dont l’éloignement nourrit le vague à l’âme. Au vulnérable alliage entre la guitare et la voix sont mêlés de saillantes inflexions et additions électroniques dont les aspérités et la grâce suggèrent le tourment qui mène à la guérison. Ces événements-passerelles déforment les sept chansons, les subliment, quand la familiarité de l’organique et de l’acoustique s’emplit discrètement d’une magie supplémentaire qui finit parfois par tout absorber.
Mots : Antoine.
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'Sky Flesh' de Marta de Pascalis
‘Sky Flesh’, ou comment rendre tangible une matière invisible. C’est l’objectif constant de la musicienne italienne Marta De Pascalis, qui tente d’atteindre le sublime. Pour cet album, elle s’attarde sur un seul instrument, qui est le Yamaha CS-60, synthé analogue qui produit ces arpèges aigus.
Le choix de cet instrument n’est pas anodin. C’est un modèle qui a vu le jour quelques années avant le protocole MIDI (1977), qui avait pour but de standardiser les méthodes de production de synthétiseurs. Les trois premières tracks “voXCS60x”, “The Shapes We Buried”, et “Blue To Blue” composent un triptyque aux loops et réverbérations atmosphériques impressionnantes sans l’assistance de MIDI.
De Pascalis préfère l’exploration, certes électronique, mais qui se fait à travers une technique et une réflexion associée aux instruments acoustiques, en particulier l’orgue. Sa philosophie s’éloigne des éloges faits aux productions assistées par les algorithmes proposés par l’intelligence artificielle. À travers l’électronique, elle explore des thèmes de la Renaissance, expliquant ainsi sa proximité de pensée avec Caterina Barbiera, qui détient le label sur lequel est sorti ce projet.
Mots : Adé.
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Photo : Camille Le Prince.
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